Le grand Jocelyn Bérubé, 40 ans de conte

 

D’entrée de jeu, je l’avoue, j’aime Jocelyn Bérubé, et depuis longtemps. Musicien, comédien, écrivain, mais avant tout conteurJocelyn Bérubé cumule plus de 40 années de pratique du conte. Pour lui – et pour moi –, tout a commencé dans les années 1970 avec l’aventure du Grand Cirque ordinaire ; il découvre le conte et le violon, et cette nouvelle passion pour la tradition orale le portera à la partager sur scène, comme il l’a fait avec le théâtre populaire. Il produit deux microsillons, Nil en ville (1976) et La bonne aventure (1980), mariant musique et conte.

Pendant les années 1980, avec la déprime post-référendaire, il est tout seul à en porter le flambeau. « Je pensais, dit-il, que le conte allait disparaître. Je me disais : c’est fini, ça n’intéresse plus personne. Dommage, c’était le fun… » Mais il n’a jamais arrêté de conter, et les années 1990 lui donnent raison, puisqu’on assiste à un renouveau du conte, avec de nouveaux conteurs et des musiciens comme Alain Lamontagne et Michel Faubert.

Jocelyn Bérubé s’inspire des contes de tradition orale, mais aussi de mythes et de légendes. Grâce à son imaginaire foisonnant, il invente des personnages plus grands que nature. Son quéteux, Tuyau Grandchamp, transforme toute une noce en flamands roses ! Dans ses Portraits en blues de travail (Planète rebelle, 2003), il fait de son Alexis le Trotteur, qui courait plus vite qu’un tain en marche, un demi-dieu condamné éternellement à faire « la navette entre les planètes / Ben Johnson d’un autre temps / sans anabolisants ». Dans Rocket, Jean-Jean, chaud partisan des Canadiens, nous raconte les exploits extraordinaires de « Rocket Richard » qui, affrontant les despotes pour redonner la lumière aux petites gens du Faubourg-à-m’lasse, entre dans la légende et le cœur des Québécois pour toujours. Dans « Le violon d’Aurélien », récit écrit en vers, il raconte comment le célèbre violoneux des Îles-de-la-Madeleine a vaincu le diable, Belzébuth, en jouant ses reels endiablés ! Le recueil avec CD présente dix contes merveilleux, dont plusieurs sont écrits en vers.

Jocelyn Bérubé s’est mérité, en 2009, le Prix du Mérite français dans la culture remis par l’UNEQ. En décembre dernier, deux articles lui étaient consacrés, l’un dans Paroles & Musique de la SOCAN, l’autre dans le magazine Continuité. Un peu avant, en mai 2010, lors de la soirée d’ouverture du Festival Contes et Légendes en Abitibi-Témiscamingue, les organisateurs et les conteurs présents lui ont rendu hommage et ont témoigné de l’attachement que lui porte tout le milieu du conte au Québec. 

Interrogé sur ce qu’il pense de l’avenir du conte, Jocelyn Bérubé a déclaré ceci : « Le conte a un passé fabuleux et modeste en même temps ; c’est tout à son honneur ; il a un présent, quant à son avenir, il en a toujours un de toute façon. […] Le conte, pour continuer encore sa quête millénaire, doit être, à mon avis, un chemin d’engagement et de combat : engagement social, combat pour un monde meilleur, terrain de réflexion sur le monde, miroir de son temps ; il doit être aussi création et invention tout en gardant en mémoire les œuvres fabuleuses du passé, car elles sont repères et garantes de l’avenir. » (Extrait de Le conte : témoin du temps, observateur du présent, qui paraîtra en février 2011 chez Planète rebelle.) Merci, Jocelyn !

 

Marie-Fleurette Beaudoin, éditrice

Photo: © Marie-Andrée Blais

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